30 avril 2009

L'avenir du paysage des tours de Paris...


Je me suis rendu avant hier soir à la deuxième réunion organisée par l’Hôtel de Ville dans le cadre de la consultation sur l’avenir de Paris. Car il ne s’agit plus du paysage de Paris, et encore moins des tours… On se souvient que le conseil de Paris de février avait voté le principe d’une grande consultation sur le paysage de la capitale. La délibération parlait à l’époque assez peu de paysage et encore moins d’avenir de Paris, puisqu’il s’agissait de vanter les bienfaits de la hauteur, et surtout de la grande hauteur. Après quelques réunions sur la tour Triangle, projet déjà bien avancé, on se disait donc qu’il était peut-être temps d’avoir une réflexion globale sur l’urbanisme. Qu’avait-on fait pendant les 4 années d’élaboration du Plan Local d’Urbanisme, on se le demande encore…

Quand le débat politique cède à la mode médiatique


Cette réunion me laisse perplexe. D’abord sur le format. Cela donne l’impression que le support télévisuel et les pratiques médiatiques déteignent sur l’organisation du débat public, et politique : un journaliste animateur (qui parle beaucoup), deux élus en guest-star, un panel de citoyens, trois experts qui auront en tout et pour tout 10mn pour exprimer une pensée complexe, un film de 25mn pour lancer le débat. Ce n’est d’ailleurs pas un débat, mais une succession de témoignages et d’interpellations. Pas d’échanges, pas d’arguments qui se contredisent, pas de construction d’un point de vue consensuel ou d’affichage de contradictions à résoudre. Un flot de propos, souvent intéressants, mais qui n’ont pas de lien entre eux, et avec l’ordre du jour de la réunion. D’où un sentiment de confusion et de vertige face aux enjeux posés, qui concernant tous les pans du vivre ensemble (l’intégration des résidants étrangers, les transports, la culture…). Et qu’évidemment, la forme de la discussion vient renforcer, voire transforme en frustration, parce qu’on devine qu’on n'aura pas beaucoup avancé ce soir.

Les préoccupations des Parisiens : coût et qualité de vie


Ensuite sur le fond. Le recours au film, pourquoi pas. Même si l’on sait que ce type de dispositif surdétermine la façon dont le débat s’enchaine derrière, et que le film, qui restitue des entretiens avec le panel citoyen, est nécessairement un extrait, un montage, donc une vue orientée. Ce film nous dit cependant des choses vraies, et principalement deux : Paris est une ville chère, dans laquelle la mixité sociale est en danger, du fait de loyers et d’un coût de la vie excessif ; Paris est une ville merveilleuse mais où la convivialité, la richesse des contacts humains, la qualité de vie (accès à la culture, aux loisirs) sont menacées par des comportements individualistes et un gigantisme oppressant. Les deux vont de pair, bien entendu.

L’autre élément qui ressort des prises de parole, c’est le besoin de sortir des limites du périphérique, qui n’ont plus beaucoup de sens dans la vie quotidienne des Franciliens. On le savait, mais la prise de conscience collective est maintenant certaine, et les citoyens sont dans doute plus mûrs que leurs élus.

Et le paysage dans tout ça ?


Sur le constat, le film est donc probant, car on a posé des questions ouvertes. Sur les propositions, on sent que les choses commencent à être plus orientées. Personne ne répond spontanément que pour régler les problèmes de la vie chère et du vivre ensemble, il faut des tours. On parle très peu du paysage urbain. A part l’intervention visiblement téléguidée d’un habitant de la place des Fêtes qui nous dit combien c’est convivial d’habiter dans une tour, le sujet est peu abordé.
En revanche, dans le film, la question est clairement posée, avec le raccourci « tour = modernité ». Paris ne pourrait pas être moderne sans architecture contemporaine, et l’architecture contemporaine, c’est nécessairement des tours ! A ce stade, les réponses des interviewés sont assez tranchées, entre l’adhésion à ce raccourci impensé et le rejet pur et simple au nom du patrimoine et de l’histoire de Paris. On reste donc dans la caricature, et une fois encore, le débat n’avance guère.

Au final, la confusion des genres, et la variété des thématiques abordées a laissé très peu de place à une approche pédagogique et argumenté sur le sujet de fond qu'on était censé aborder, le paysage de couronne. Si la mairie entend mener un forum sur l'avenir de Paris, c'est une très bonne idée. S'il s'agissait de parler d'urbanisme, c'est franchement raté. Un fait exprès pour ne pas y revenir ?

21 avril 2009

Autolib, chronique d’un échec annoncé…


En dix jours, le projet de voitures en libre-service porté par Bertrand Delanoé a pris du plomb dans l’aile. Vendredi dernier, le préfet de région refusait de valider la création du syndicat mixte initialement chargé de la mise en place du service en Ile-de-France. «Un syndicat incontournable», note Le Parisien du 11 avril, puisque sans lui, Autolib' serait strictement limité à Paris intra-muros, et «présenterait alors beaucoup moins d'intérêt». Rappelons que, de toute façon, plusieurs communes de première couronne ont refusé de faire partie de ce syndicat, au motif qu’il leur fallait débourser 50 000€ par station et que cette somme serait peut-être plus utilement utilisée dans le développement des transports collectifs. De quoi rendre déjà peu cohérent ce réseau de voitures.

La Région au secours de l'écologie, Delanoé obstiné.

Un peu plus tard, toujours selon le Parisien, c’est le président PS de la Région, Jean-Paul Huchon, qui s’apprêterait à refuse le concours financier de l’Ile-de-France, appelé au secours pour suppléer le peu d’entrain des communes, notamment les plus pauvres, à participer à ce qui ressemble de plus en plus à un luxe de gens riches.
Il se dit dans les couloirs de l’Hôtel de Ville que le maire s’obstine malgré un projet mal ficelé, une idée politique sans réalisme, que de moins en moins de techniciens soutiennent.

Des problèmes de fond.

Pour une fois, les bruits de couloir pourraient être frappés du sceau du bon sens. Autolib se heurte en effet à de nombreux obstacles techniques, écologiques et financiers. Techniquement, par exemple, on ne sait pas recharger une batterie en 30mn. Il faut entre 4 et 5 heures, ce qui pose un sérieux problème pour que la flotte soit suffisante pour permettre de répondre à la demande.
Ecologiquement, les études montrent que le report de personnes disposant d’un véhicule vers Autolib sera relativement limité. En revanche, cela crée une offre supplémentaire, concurrente du transport en commun sur des distances moyennes. Donc un risque certain de renforcer la saturation du trafic, et les émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, quand on regarde comment fonctionne Vélib, on s’aperçoit d’un dysfonctionnement fréquent : des bornes entièrement vides dans les lieux de résidence, des bornes entièrement pleines sur les lieux de travail, avec en plus le réapprovisionnement qui entraîne la circulation de vélos sur des camions. Imaginons la même chose avec des voitures, mêmes petites ! Des semi-remorques pour déplacer des voitures vides (et déchargées) dans Paris ?

Le retour à la raison ?

Enfin, si l’on ajoute à cela le coût du système, tout plaide ou presque pour l’abandonner, raisonnablement. A la place, pourquoi ne pas aider le vrai auto-partage (des sociétés coopératives qui achètent des véhicules partagées par leurs adhérents) ? Et participer un peu plus activement au développement des transports collectifs en première couronne ? Et continuer d’encourager par des aménagements satisfaisants la pratique du vélo ?
Bref, faire du déplacement durable.
Voir le débat sur le site du Monde
Voir le dossier de presse d'Autolib sur le site de la ville de Paris

2 avril 2009

Des écoquartiers pour s’aérer la tête…


Je reviens du Forum nord-européen des écoquartiers, qui s’est tenu à Dunkerque mardi 31 mars et mercredi 1er avril. Au programme, une série de plénières et d’ateliers sur le programme de quartier dits durables qui voit le jour un peu partout en France et en Europe : quelle place pour les habitants dans l’élaboration de ces projets ? Quels critères de durabilité ? Comment retravailler la mobilité et les déplacements pour s’assurer d’un quartier peu générateur de circulation ? Quelles ressources énergétiques et comment consommer vraiment moins ?
Voilà les questions que se posent aujourd’hui les métropoles françaises et européennes (Freibourg, Amsterdam, Bruges, Copenhague étaient représentées entre autres). On est loin des tours, chacun s’accordant à dire, dans les allées et sur la scène, que ces bâtiments ne répondent en rien aux enjeux du développement durable…

Cela a surtout été l’occasion d’un « brainstorming » rafraîchissant sur les perspectives de fabrication de la ville aujourd’hui : bâtiments passifs (15 KW/m²/an) ou à énergie positive, gestion douce des eaux usées, solutions privilégiant la marche ou le vélo, mixité fonctionnelle (faire cohabiter les logements, les activités, les commerces et les bureaux) et sociale, recours massif aux énergies renouvelables, tout démontre la volonté de nombreuses villes de s’orienter massivement vers le durable, et de mettre en cause les solutions qui ont prévalu jusqu’à présent.
Restent évidemment bien des difficultés à lever. Pourquoi les Français continuent à s’appuyer, la différence de l’Allemagne qui privilégie un artisanat de PME, sur de gros groupes de BTP ou des banques intéressés à couler du béton ou à vendre des prêts immobiliers plutôt qu’à rechercher comment consommer moins de matière et d’argent ? Comment aller plus vite alors que l’urgence écologique est de plus en plus reconnue, mais que les moyens financiers ne suivent pas pour recycler des friches industrielles et développer des transports en commun ? Comment, enfin, convaincre les élus, quelle que soit leur couleur politique, que le développement durable, ce n’est pas juste de la communication ou un peu de verdure en plus dans des projets urbains ?

A Paris, le grand écart est permanent entre la politique urbaine dans son ensemble et les quelques contre-exemples positifs, et bien mis en valeur, d’approches d’un urbanisme soutenable. D’ailleurs, la Ville de Paris était étrangement absente de ce forum, dont l’aura était pourtant nationale… J'en reviens encore plus motivé pour faire avancer les projets du 14e !