30 décembre 2009

Tours Vertes : elles ne sont pas à la hauteur !


Retour sur un article très intéressant du numéro de septembre 2009 de Science et Vie, consacré aux tours. Ou comment le « green bashing » s’applique sans grand ménagement à l’architecture, en faisant prendre des vessies pour des lanternes.

Premier constat, à l’occasion de l’inauguration de la tour Granite à la Défense en décembre 2008. Cet immeuble de 184m de haut, dernier né des tours de bureau du centre d’affaires, s’enorgueillit d’une certification de haute qualité environnementale « NF bâtiments tertiaires – démarche HQE ». Or, après examen des études thermiques évaluées par les concepteurs, il s’avère que la consommation du bâtiment (chauffage, climatisation, éclairage, ascenseurs) atteindra 191 kWh/m²/an. C’est évidemment beaucoup moins que les 400 kWh/m²/an généralement observés pour les tours de bureaux des générations précédents, mais c’est très loin de l’objectif parisien du plan climat (50 KWh/m²/an).

Deuxième constat, sur la base de données chiffrées recueillis par le bureau d’études Enertech à propos de plusieurs opérations en Europe, la tour Post Tower (162m) à Bonn, livrée en 2002 et réputée pour être un modèle du genre, consomme en réalité 228 kWh/m²/an, alors que les modélisations informatiques au moment de la construction prévoyait 137 kWh/m²/an. Olivier Sidler, d’Enertech, précise dans le dossier de Sciences et Vie que « cet écart entre théorie et mesures de terrain ne nous a pas étonnés. Il y a toujours une différence notoire entre ce que les concepteurs prévoient et les chiffres réels. Dans le cas du chauffage, par exemple, tous les calculs sont établis avec une température réglementaire de 19°C. Cette température n’est évidemment jamais appliquée dans les bureaux, parce que les gens ont pris l’habitude de travailler dans des pièces chauffées à 22 ou 23°C. » On se rappellera peut-être que la Post Tower a été évoquée par l’agence Herzog et Demeuron lors des ateliers participatifs sur la tour Triangle comme un exemple de ce qui est réalisable…

Troisième constat, l’architecture usuelle des tours rend très compliquée, sinon impossible, d’atteindre des performances énergétiques satisfaisantes : grandes surfaces vitrées, ventilation complexe, besoins spécifiques liées à la hauteur (ascenseurs), tout cela concourt à une consommation structurellement élevée. Au contraire, pour Daniel Vaniche, architecte chez DVVD, le seul obstacle est le coût. « Il faut bien se figurer que les tours vertes restent pour l’instant des prototypes qui n’ont que peu d’années d’existence, alors que les immeubles de bureau sont des standards qui ont 30 ou 40 ans ». Selon lui, « il n’y a aucune complexité structurelle ou technique à rendre ces bâtiments vraiment verts ».

Pour Olivier Sidler, en revanche, même trois fois plus performantes, les tours n’atteindront pas les exigences réglementaires issues du Grenelle de l’Environnement. Le coût est un argument des plus sérieux (cf. l’article de Jean-Michel ROUX publié sur le site contre-les-tours) et penser qu’il suffit d’aligner des zéros sur un chéquier est une autre forme de pensée contra-écologiste : autant allouer la ressource à d’autres projets plus performants et plus grands, car moins chers au m², et satisfaire ainsi davantage de besoins. Cela dévoile sans aucun doute que l’acharnement à réaliser des tours a trait à quelque chose de plus profond, comme une volonté de dépassement et de transgression, que visiblement, la raison ne permet pas de guérir.

8 décembre 2009

Compromis possible sur le 105 Losserand ?

Le conseil d'arrondissement d'hier soir a vu un long débat sur le devenir de la parcelle du 105, rue Losserand, dont on avait déjà parlé ici. Après la réunion publique houleuse qui s'est tenue le 25 novembre dernier, au cours de laquelle la SIEMP avait présenté une version modifiée mais toujours aussi peu satisfaisante de son projet, René Dutrey et moi-même avions déposé un voeu pour envisager une modification du programme, afin de permettre de sortir de l'impasse.

En effet, l'objectif de 30 nouveaux logements sur cette parcelle complexe, toute en longueur, avec de nombreuses vues donnant sur le terrain, semble difficilement compatible avec un autre objectif, celui de maintenir les activités culturelles dans la salle Marius Magnin, située au fond de la parcelle.

Après discussion avec Pascal Cherki, nous sommes arrivés à une solution de compromis, qu'il reste maintenant à faire accepter par l'hôtel de ville, afin soit d'améliorer le passage par le 49, rue de Gergovie, soit de recréer un passage par le 105, rue Losserand, en ne réalisant pas quelques logements et ni le commerce prévus.

Voici le texte du voeu adopté hier soir par l'ensemble du conseil d'arrondissement :

"Lors de la séance de novembre 2008, le conseil d’arrondissement puis le conseil de Paris ont décidé de confier à la SIEMP la réalisation d’une opération de construction de 30 logements sociaux sur les parcelles des 105, rue Raymond Losserand et 49, rue de Gergovie, ainsi que la réhabilitation des trois immeubles dont elle est déjà propriétaire au 103, rue Raymond Losserand.

Au fond de la parcelle du 105, rue Raymond Losserand, en limite de la résidence de la SAHLM SADIF, situé 90, rue du Moulin Vert se situe la salle Marius Magnin, dévolue depuis plusieurs années à des pratiques festives (bals, spectacles de fin d’année de diverses associations) et culturelles. Plusieurs séances du Conseil de quartier Pernety s’y sont également déroulées.

Afin de préserver la destination de la salle, soumise au risque d’un projet immobilier que son propriétaire aurait pu vouloir réaliser, la municipalité l’a inscrit en emplacement réservé à vocation culturelle lors de la modification du PLU intervenue en 2009. Désormais, aucun autre usage que celui-ci n’est possible, et le maire du 14e a manifesté son souhait que la Ville de Paris puisse s’en porter acquéreur, afin de la réhabiliter, de la mettre aux normes, et d’assurer à terme une programmation diversifiée, tournée vers le quartier.

Toutefois, la dernière version du projet de la SIEMP, présentée lors d’une réunion publique le 25 novembre, ne permet pas de garantir à terme le bon fonctionnement de cet équipement, et d’en utiliser tout le potentiel.

Si elle a permis d’améliorer certains points relatifs à l’insertion des constructions dans le cœur d’îlot, cette version implique en effet un accès au 49, rue de Gergovie par un hall d’immeuble d’1,80m de large, puis le long de 3 petits bâtiments résidentiels dans un étroit corridor d’environ 3m de large, qui limite considérablement l’utilisation de la salle et posera à l’évidence des problèmes de coexistence, avec des risques de conflits d’usage. Le passage existant devenu inusité au 90, rue du Moulin Vert pour éviter des nuisances aux locataires de la SADIF illustre ce que deviendra sans doute le passage par le 49, rue de Gergovie.

De plus, la desserte de la salle pour des objets encombrants (décors, pianos) n’est pas assurée.

Lors de la réunion publique du 25 novembre, le président de la SIEMP, Romain Lévy, a indiqué qu’en tant que bailleur, il était tenu par les délibérations du Conseil de Paris, et qu’il lui était impossible de faire évoluer le projet. Pourtant, il apparaît clairement aujourd’hui que ce programme a été adopté alors que les études de faisabilité n’étaient pas achevées, et que les solutions techniques permettant l’accès à la salle n’étaient pas trouvées. Pour rappel, en novembre 2008, une solution en cours d’étude était la création d’une salle de spectacle enterrée, située à l’entrée du site vers le 105, rue Losserand, moyennant la démolition de la salle actuelle. Etant donnée la complexité du site, et la difficulté de trouver un projet conciliant la réalisation de la totalité du programme de logements prévu et le bon fonctionnement de la salle, il serait de sage de réexaminer à la marge ce projets en supprimant certains bâtiments.

Aussi, le Conseil d’arrondissement émet le vœu que le Maire de Paris intervienne auprès de la SIEMP pour qu’elle réétudie, en concertation avec la mairie d’arrondissement et des représentants des usagers de la salle et des riverains, le projet d’aménagement pour d’une part améliorer l’accès à la salle et permettre ainsi le développement d’un équipement culturel de proximité dans la salle Marius Magnin et d’autre part pour réaliser le programme attendu de logements sociaux ce qui passe par la suppression du bâtiment M2 et, afin d’améliorer l’accès à la salle, soit la suppression d’un logement en rez-de-chaussée du bâtiment M1 pour réorganiser le hall et élargir le hall, soit la suppression du commerce du 105, rue Raymond Losserand."