14 janvier 2010

La radicalité d'Europe Ecologie, pour changer la Région


Retrouvez la très bonne interview d'Augustin Legrand chez Karl Zero, sur BFM TV. Une analyse convaincante du rapport de force au sein de la Gauche, de ce qu'Europe Ecologie veut porter et peut apporter, de la place des citoyens dans la vie politique.


30 décembre 2009

Tours Vertes : elles ne sont pas à la hauteur !


Retour sur un article très intéressant du numéro de septembre 2009 de Science et Vie, consacré aux tours. Ou comment le « green bashing » s’applique sans grand ménagement à l’architecture, en faisant prendre des vessies pour des lanternes.

Premier constat, à l’occasion de l’inauguration de la tour Granite à la Défense en décembre 2008. Cet immeuble de 184m de haut, dernier né des tours de bureau du centre d’affaires, s’enorgueillit d’une certification de haute qualité environnementale « NF bâtiments tertiaires – démarche HQE ». Or, après examen des études thermiques évaluées par les concepteurs, il s’avère que la consommation du bâtiment (chauffage, climatisation, éclairage, ascenseurs) atteindra 191 kWh/m²/an. C’est évidemment beaucoup moins que les 400 kWh/m²/an généralement observés pour les tours de bureaux des générations précédents, mais c’est très loin de l’objectif parisien du plan climat (50 KWh/m²/an).

Deuxième constat, sur la base de données chiffrées recueillis par le bureau d’études Enertech à propos de plusieurs opérations en Europe, la tour Post Tower (162m) à Bonn, livrée en 2002 et réputée pour être un modèle du genre, consomme en réalité 228 kWh/m²/an, alors que les modélisations informatiques au moment de la construction prévoyait 137 kWh/m²/an. Olivier Sidler, d’Enertech, précise dans le dossier de Sciences et Vie que « cet écart entre théorie et mesures de terrain ne nous a pas étonnés. Il y a toujours une différence notoire entre ce que les concepteurs prévoient et les chiffres réels. Dans le cas du chauffage, par exemple, tous les calculs sont établis avec une température réglementaire de 19°C. Cette température n’est évidemment jamais appliquée dans les bureaux, parce que les gens ont pris l’habitude de travailler dans des pièces chauffées à 22 ou 23°C. » On se rappellera peut-être que la Post Tower a été évoquée par l’agence Herzog et Demeuron lors des ateliers participatifs sur la tour Triangle comme un exemple de ce qui est réalisable…

Troisième constat, l’architecture usuelle des tours rend très compliquée, sinon impossible, d’atteindre des performances énergétiques satisfaisantes : grandes surfaces vitrées, ventilation complexe, besoins spécifiques liées à la hauteur (ascenseurs), tout cela concourt à une consommation structurellement élevée. Au contraire, pour Daniel Vaniche, architecte chez DVVD, le seul obstacle est le coût. « Il faut bien se figurer que les tours vertes restent pour l’instant des prototypes qui n’ont que peu d’années d’existence, alors que les immeubles de bureau sont des standards qui ont 30 ou 40 ans ». Selon lui, « il n’y a aucune complexité structurelle ou technique à rendre ces bâtiments vraiment verts ».

Pour Olivier Sidler, en revanche, même trois fois plus performantes, les tours n’atteindront pas les exigences réglementaires issues du Grenelle de l’Environnement. Le coût est un argument des plus sérieux (cf. l’article de Jean-Michel ROUX publié sur le site contre-les-tours) et penser qu’il suffit d’aligner des zéros sur un chéquier est une autre forme de pensée contra-écologiste : autant allouer la ressource à d’autres projets plus performants et plus grands, car moins chers au m², et satisfaire ainsi davantage de besoins. Cela dévoile sans aucun doute que l’acharnement à réaliser des tours a trait à quelque chose de plus profond, comme une volonté de dépassement et de transgression, que visiblement, la raison ne permet pas de guérir.

8 décembre 2009

Compromis possible sur le 105 Losserand ?

Le conseil d'arrondissement d'hier soir a vu un long débat sur le devenir de la parcelle du 105, rue Losserand, dont on avait déjà parlé ici. Après la réunion publique houleuse qui s'est tenue le 25 novembre dernier, au cours de laquelle la SIEMP avait présenté une version modifiée mais toujours aussi peu satisfaisante de son projet, René Dutrey et moi-même avions déposé un voeu pour envisager une modification du programme, afin de permettre de sortir de l'impasse.

En effet, l'objectif de 30 nouveaux logements sur cette parcelle complexe, toute en longueur, avec de nombreuses vues donnant sur le terrain, semble difficilement compatible avec un autre objectif, celui de maintenir les activités culturelles dans la salle Marius Magnin, située au fond de la parcelle.

Après discussion avec Pascal Cherki, nous sommes arrivés à une solution de compromis, qu'il reste maintenant à faire accepter par l'hôtel de ville, afin soit d'améliorer le passage par le 49, rue de Gergovie, soit de recréer un passage par le 105, rue Losserand, en ne réalisant pas quelques logements et ni le commerce prévus.

Voici le texte du voeu adopté hier soir par l'ensemble du conseil d'arrondissement :

"Lors de la séance de novembre 2008, le conseil d’arrondissement puis le conseil de Paris ont décidé de confier à la SIEMP la réalisation d’une opération de construction de 30 logements sociaux sur les parcelles des 105, rue Raymond Losserand et 49, rue de Gergovie, ainsi que la réhabilitation des trois immeubles dont elle est déjà propriétaire au 103, rue Raymond Losserand.

Au fond de la parcelle du 105, rue Raymond Losserand, en limite de la résidence de la SAHLM SADIF, situé 90, rue du Moulin Vert se situe la salle Marius Magnin, dévolue depuis plusieurs années à des pratiques festives (bals, spectacles de fin d’année de diverses associations) et culturelles. Plusieurs séances du Conseil de quartier Pernety s’y sont également déroulées.

Afin de préserver la destination de la salle, soumise au risque d’un projet immobilier que son propriétaire aurait pu vouloir réaliser, la municipalité l’a inscrit en emplacement réservé à vocation culturelle lors de la modification du PLU intervenue en 2009. Désormais, aucun autre usage que celui-ci n’est possible, et le maire du 14e a manifesté son souhait que la Ville de Paris puisse s’en porter acquéreur, afin de la réhabiliter, de la mettre aux normes, et d’assurer à terme une programmation diversifiée, tournée vers le quartier.

Toutefois, la dernière version du projet de la SIEMP, présentée lors d’une réunion publique le 25 novembre, ne permet pas de garantir à terme le bon fonctionnement de cet équipement, et d’en utiliser tout le potentiel.

Si elle a permis d’améliorer certains points relatifs à l’insertion des constructions dans le cœur d’îlot, cette version implique en effet un accès au 49, rue de Gergovie par un hall d’immeuble d’1,80m de large, puis le long de 3 petits bâtiments résidentiels dans un étroit corridor d’environ 3m de large, qui limite considérablement l’utilisation de la salle et posera à l’évidence des problèmes de coexistence, avec des risques de conflits d’usage. Le passage existant devenu inusité au 90, rue du Moulin Vert pour éviter des nuisances aux locataires de la SADIF illustre ce que deviendra sans doute le passage par le 49, rue de Gergovie.

De plus, la desserte de la salle pour des objets encombrants (décors, pianos) n’est pas assurée.

Lors de la réunion publique du 25 novembre, le président de la SIEMP, Romain Lévy, a indiqué qu’en tant que bailleur, il était tenu par les délibérations du Conseil de Paris, et qu’il lui était impossible de faire évoluer le projet. Pourtant, il apparaît clairement aujourd’hui que ce programme a été adopté alors que les études de faisabilité n’étaient pas achevées, et que les solutions techniques permettant l’accès à la salle n’étaient pas trouvées. Pour rappel, en novembre 2008, une solution en cours d’étude était la création d’une salle de spectacle enterrée, située à l’entrée du site vers le 105, rue Losserand, moyennant la démolition de la salle actuelle. Etant donnée la complexité du site, et la difficulté de trouver un projet conciliant la réalisation de la totalité du programme de logements prévu et le bon fonctionnement de la salle, il serait de sage de réexaminer à la marge ce projets en supprimant certains bâtiments.

Aussi, le Conseil d’arrondissement émet le vœu que le Maire de Paris intervienne auprès de la SIEMP pour qu’elle réétudie, en concertation avec la mairie d’arrondissement et des représentants des usagers de la salle et des riverains, le projet d’aménagement pour d’une part améliorer l’accès à la salle et permettre ainsi le développement d’un équipement culturel de proximité dans la salle Marius Magnin et d’autre part pour réaliser le programme attendu de logements sociaux ce qui passe par la suppression du bâtiment M2 et, afin d’améliorer l’accès à la salle, soit la suppression d’un logement en rez-de-chaussée du bâtiment M1 pour réorganiser le hall et élargir le hall, soit la suppression du commerce du 105, rue Raymond Losserand."

11 novembre 2009

Oui à l'autopartage, non à autolib'


Le 9 novembre, la Mairie du 14e a présenté les implantations des stations Autolib. Retour sur les questions que pose ce projet...


Pourquoi les Verts sont-ils opposés au projet Autolib ?

Autolib n'est une réponse ni originale, ni adéquate au problème actuel des transports à Paris. Là où il faudrait redonner une partie des espaces de voirie aux cyclistes, aux piétons, aux transports en commun ou pour le stationnement, Autolib réduit de façon importante cet espace pour installer ses stations.

Autolib, c'est rajouter du trafic au trafic. Toutes les études le montrent : ce sont les personnes qui ne possèdent pas de voitures qui utiliseront Autolib, ce qui entrainera une plus grande saturation du trafic et des émissions supplémentaires de gaz à effet de serre.

Et puis, l’expérience de Vélib permet d’anticiper certains dysfonctionnements. Tous les jours, des bornes vides de vélos sont réapprovisionnées par des camions. Imaginons la même chose avec des voitures : est-on prêts à accepter la pollution de semi-remorques pour déplacer des voitures vides dans Paris ? Enfin, ce système coûte extrêmement cher pour un apport en qualité de vie dont on peut douter. Autolib est le contraire d’une politique de développement durable de la ville !

Pourtant des voitures électriques, c’est écologique ?
En ce qui concerne le véhicule électrique, nous ne savons toujours pas traiter les batteries usagées. De plus, la généralisation de la voiture électrique individuelle en France nécessiterait 30 nouveaux réacteurs nucléaires. C’est plus un cadeau fait aux industriels qu’une réelle avancée
environnementale…
Que proposent les Verts ?
Autolib va couter à l’usager à peu près autant qu’une course en un taxi intra-muros ! Nous pensons qu’il est plus logique d’améliorer et de rendre plus propre la flotte des taxis parisiens insuffisante par rapport à la demande. Avec le budget d’Autolib, nous préférerions développer les transports en commun et les espaces réservés aux piétons et aux cyclistes.
Enfin, nous proposons d’encourager le vrai auto-partage, comme cela existe déjà dans notre arrondissement avec Caisse Commune et Okigo. Ces sociétés louent des véhicules partagées à leurs adhérents le temps d’un trajet.

21 octobre 2009

Quel avenir pour Broussais ?


Rappel d’une petite histoire déjà longue

Alors que la mairie de Paris a engagé, en partenariat avec l’AP-HP, une nouvelle étude sur l’aménagement du site de Broussais et une série de réunions publiques et d’ateliers, il est utile de revenir sur la déjà longue histoire des projets envisagés à la suite de la fermeture partielle de l’hôpital en 2000, et d’indiquer les propositions des Verts.

En 2001, l’AP-HP a déjà relocalisé une partie des services présents à Broussais, et a commencé à vendre par morceaux le site. Alors que les sites de Boucicaut et Laënnec font l’objet d’une cession globale à un opérateur, Broussais est victime d’une stratégie différente de l’AP-HP : vente progressive par appartements et utilisation provisoire des locaux disponibles, pour les besoins d’autres hôpitaux parisiens en travaux ou pour des associations intervenant dans le domaine de la santé.

Dès fin 2001, les Verts demandent la réalisation d’une étude d’ensemble, visant à définir les orientations d’aménagement de Broussais, et à répondre aux attentes en matière des riverains et associations, réunis pour une partie d’entre eux dans le Collectif Redessinons Broussais.
Il a malheureusement été décidé d’engager des négociations avec l’AP-HP, sans vision globale, sur le devenir des bâtiments et de travailler au désenclavement du site, par la création d’un réseau de voies publiques. Les atermoiements de l’AP-HP à l’époque ont conduit à des négociations sans fin, dont les conclusions étaient remises en causes d’une fois sur l’autre.

L’installation de la Croix-Rouge en 2004 a contribué à redynamiser le quartier, dans le cadre d’un projet architectural de très grande qualité.

Mais, alors que les idées foisonnaient autour de l’étude sur l’aménagement des voiries d’un côté et de l’autre d’un collectif d’artistes qui s’était monté pour proposer une réutilisation éphémère de la Chaufferie afin de préfigurer un futur espace culturel, les blocages étaient nombreux : mauvaise volonté de l’AP-HP de céder ces terrains à la Ville pour la réalisation d’équipements publics, faible implication de la mairie du 14e pour promouvoir auprès de la mairie de Paris un projet novateur et ambitieux pour la Chaufferie, difficultés sur les modalités du maintien dans les lieux du centre social Didot-Broussais.

NB Le site redessinons-broussais.fr est une source intéressante pour qui veut se plonger dans le dossier. C’est un modèle que la ville de Paris pourrait adopter sur un projet d’aménagement, pour mettre à disposition tous les éléments de réflexion et de débat…


Quelques grands principes d’aménagement

Au gré de cette lente maturation, certains éléments se dessinent quand même sur l’évolution du site. Sont alors fixés quelques grands principes d’aménagement :
- Maintien d’une vocation sociale et sanitaire sur le site
- Préservation maximale du bâti existant et du plan originel du site, dans une logique patrimoniale et de développement durable (moins de démolition, c’est moins de déchets et de béton)
- Aménagement d’une promenade paysagère et artistique, au-dessus de la petite ceinture entre la rue Didot et le jardin des Arbustes
- création d’un espace culturel innovant, ouvert sur le quartier, dans l’ancienne chaufferie ;
- réinstallation sur place du centre social Didot-Broussais.

En 2006-2007, à partir de ces grand principes, un projet de restructuration ces voies et d’incorporation dans le domaine public municipal est élaboré et fait l’objet d’une enquête publique. Le schéma retenu, à la suite de cette consultation publique, est celui d’un désenclavement partiel, privilégiant les modes doux (marche, vélo) et limitant l’accès aux véhicules pour la desserte interne du site, qui ne comporte pas de places de parking en sous-sol. Mais à l’issue de l’enquête publique, le commissaire enquêteur émet un avis défavorable, ce qui remet en cause la démarche.

Fin 2007, début 2008, la Ville et l’AP-HP lance une étude urbaine d’ensemble, visant à relancer une réflexion globale sur le site. Conduite de manière classique, et technique, sans consultation des habitants, elle vise à essayer de mettre d’accord ces deux institutions sur le devenir de ce qui reste à aménager et à céder.


Le projet en 2009

Au terme de cette étude menée par le cabinet AM Environnement, la mairie a souhaité engager une démarche de concertation, qui repose sur une réunion publique, suivie d’une série de 3 ateliers thématiques, puis de deux réunions de restitution, en parallèle d’un questionnaire basé sur des scénarios d’aménagement.

La longue maturation du projet a permis de fixer, avec le temps, quelques fondamentaux, qui ont été portés par les associations et les riverains : espace culturel à la chaufferie, promenade sur la petite ceinture, par exemple. Le collectif Redessinons Broussais a porté depuis plusieurs années, sans beaucoup de moyens, une démarche de participation citoyenne que la Ville aurait dû mener elle-même. Ils ont largement contribué à ces fondamentaux devenus consensuels. Ils ont porté, dans un sens, le débat public. Mais ce n’était pas leur rôle exclusif, ou plutôt, la mairie aurait dû s’y impliquer bien davantage.

A ce stade, Les Verts 14e s’inquiètent pour plusieurs raisons de la suite donnée au projet :
· Sur le déroulement de la concertation, menée en urgence et selon des modalités insuffisantes. Les scénarios élaborés par AM Environnement sont clairement orientés. Il n’y a pas vraiment d’alternative sur le devenir du site. Il s’agit plutôt de faire valider ou évoluer à la marge par la population des projets déjà mis au point, plus que d’une véritable réflexion partagée. La rapidité avec laquelle le processus est mené n’est pas une garantie d’écoute et d’interaction.
· Sur l’absence d’une démarche d’éco-quartier que nous avions porté pendant les élections municipales. C’est la seule garantie d’une approche conciliant enjeux environnementaux, sociaux et urbains. Quid de la production d’énergie renouvelable ? Quel bilan énergétique global ? Quid de la biodiversité ? (Qui sait par exemple que la destruction de la dalle de Broussais pourrait condamner la dernière grande colonie de chauve-souris au sud de Paris ?)
· Un scénario d’ouverture à la circulation du site est privilégiée par la mairie, notamment la liaison entre rue Didot et rue Losserand, alors que sous le mandat précédent, on avait obtenu, en partie à la demande des riverains, un schéma de circulation en « marguerite » qui ne laissait pas passer de transit possible sur le site. Ce principe doit être rappelé et cet engagement tenu.
· Sur le principe de dépassement du plafond des hauteurs (de 36m à 50m). Les Verts ont exprimé leur désaccord sur la réalisation de tours à Paris. Ce quartier est déjà dense. Or, il semblerait que la mairie souhaite la réalisation d’immeubles de grande hauteur, et envisage de dépasser le plafond de hauteur (12 étages actuellement, 18 demain ?).

13 septembre 2009

Tour de Chine


Je reviens de Chine, où j’ai passé trois semaines. L’objectif de ce blog n’est pas de vous raconter mes vacances, mais il est difficile de passer sous silence les impressions perçues après ce voyage dans « l’usine du monde ». Je vous épargne donc mes remarques sur la nourriture et la muraille de Chine, pour évoquer ce qu’on peut comprendre, en tant que visiteur éphémère non sinophone, du développement et du mode de vie chinois.

Première constatation en arrivant à Pékin, dans un aéroport ultra-moderne puis en s’enfilant l’autoroute jusqu’au centre-ville, en croisant les 5 boulevards périphériques successifs, c’est le rattrapage technologique effectué et l’uniformisation du paysage. Pas de choc culturel, on est dans la métropole planétaire standard, avec son affichage publicitaire proliférant, ses embouteillages de grosses voitures climatisées, ses tours démonstratives de la puissance émergente.

Sur ce sujet, justement, le débat parisien gagnerait à s’enrichir vraiment d’expériences étrangères. D’aller y voir, plutôt que d’évoquer avec envie ou aigreur des images toutes faites de mégalopoles censées nous concurrencer.

A Pékin, Xi’an ou Shanghai, les grandes villes que j’ai vues, la tour est devenue l’habitat standard. Dans ce cas, on peut vraiment parler de fortes densités, car les prospects imposés en France pour ce type de construction n’existent pas là-bas. D’où des îlots de tours très serrées, avec peu d’espaces extérieurs. Dans ce contexte de densité, longtemps dominé par les transports publics ou la bicyclette, l’explosion de la voiture particulière est particulièrement notable. Comme quoi, tour n’est pas du tout synonyme de ville durable. Sans parler de l’efficacité énergétique des tours chinoises, elles n’empêchent en rien l’évolution vers une mobilité égoïste, qui débouche sur des élargissements de voies (les 2X4 voies sont la norme) et la séparation progressive des circulations (le retour des grandes passerelles enjambant les autoroutes urbaines, que nous cherchons à bannir en France). Elle ne signifie pas non plus libération d’espace. A Shanghai, peu ou pas d’espaces verts. A Pékin, ceux qui existent sont des parcs plusieurs fois centenaires.

La tour chinoise répond donc à une problématique inconnue ici, l’explosion urbaine et l’exode rural. Elle n’est que marginalement étalage de prestige et de modernité. Dans ce dernier cas, en revanche, il faut lui reconnaître d’avoir intégré la mixité fonctionnelle : centre commercial sur les 6 ou 7 premiers niveaux, hôtels et bureaux au-dessus, parfois connectés directement à une station de métro, permettent effectivement de créer une intensité forte, tout entière dédiée à la consommation, au luxe et à la finance. Le rêve, quoi !

De fait, le riche chinois d’aujourd’hui n’aspire qu’à une chose, la « low density community », vantée par les promoteurs immobiliers, pour créer des quartiers sécurisés de maisons individuelles, avec une homogénéisation sociale similaire aux « gated communities » américaines. C’est d’ailleurs un autre effet de la mondialisation capitaliste, l’accroissement des inégalités spatiales et territoriales, avec l’émergence manifeste de ghettos sociaux, par le haut.

L’expérience de la tour chinoise est donc difficilement transposable à Paris, encore plus en France : elle rappelle le grand ensemble des années 1960, en plus moderne et mieux équipée, mais en plus dense aussi. A défaut, elle représente comme à Dubaï une course effrénée, et complètement vaine (vaniteuse ?) à la hauteur, symbole d’un capitalisme financier triomphant, qui semble dater d’une autre époque, celle d’avant la crise…

7 septembre 2009

Avant-projet de loi sur le Grand Paris : un petit goût du Second Empire


L’année 2010 va voir le 150ème anniversaire de l’annexion des arrondissements périphériques parisiens, rattachés à la capitale par un décret impérial de 1860. Est-ce un avant goût des festivités qui pourraient être envisagées pour l’année prochaine, qui a incité le petit Nicolas à se mettre dans les pas de Napoléon le Petit ? En tout cas, l’avant-projet de loi sur le Grand Paris (l’APLGP) diffusé cet été tient manifestement à s’inspirer de pratiques d’un autre temps pour dessiner le visage de la métropole de demain. On a parlé de l’Après-Kyoto, on a plutôt l’impression de remonter le temps !



Que propose ce projet de loi, en effet, sinon :



  • de museler l’opinion en empêchant le débat public,

  • de reconcentrer la politique d’urbanisme et d’aménagement aux mains de l’Etat, faisant fi du commencement d’organisation métropolitain,

  • de créer une nouvelle structure d’aménagement, alors que l’Ile-de-France étouffe déjà sous le trop plein de SEM, EPA et autres EPF capables de mener à bien le projet urbain à concevoir.

En 2002 avait été créée la Commission Nationale du Débat Public, instance indépendante chargée d’organiser la consultation du public sur les grands projets d’aménagement et d’infrastructure. Les modalités de ce débat, dans bien des cas, sont déjà peu contraignantes pour les maîtres d’ouvrage, les projets déjà bien avancés étant soumis au débat avec peu de marge de manœuvre pour les faire évoluer, sauf mobilisation très forte. Mais l’APLGP propose ni plus ni moins de décharger la CNDP du débat sur les projets d’infrastructures du Grand Paris, en confiant à la société d’aménagement créée à cette occasion le soin de l’organiser elle-même. La CNDP pourra désigner un observateur !...pour un débat prévu pour durer 4 mois (encore « ! »).


La Société du Grand Paris, justement. Voilà qui sonne vraiment Haussmannien. Cet établissement public supplémentaire (alors qu’existent déjà en Ile-de-France plusieurs structures du même type (AFTRP, EPA Plaine-de-France…), des établissements public fonciers, des société d’économie mixte départementales, communales, régionales…) bénéficiera de pouvoirs assez exorbitants : organisation du débat public, on l’a dit ; dérogation aux règles de la mise en concurrence imposées par l’Union Européenne pour la réalisation d’opérations d’aménagement ; propriétaire et exploitant de galeries commerciales et de bureaux dans les gares à construire ; dérogation à la loi sur les contrats de maîtrise d’œuvre ; fournisseur du matériel roulant livré à l’entreprise qui exploitera la ligné de métro automatique… Bref, un Etat dans l’Etat, capable d’exproprier, de valoriser les terrains, de louer des immeubles, de définir ses propres priorités, etc.


Last but not least, l’Etat pourra également mettre au point des « projets territoriaux stratégiques », sur lesquels les collectivités locales émettront un simple avis avant arrêté du conseil d’Etat, susceptibles de se substituer aux schémas de cohérence territoriale et aux plans locaux d’urbanisme. On ne sait pas si c’est la Société du Grand Paris qui les réalisera, les services déconcentrés de l’Etat n’ayant presque plus de compétences dans le domaine de l’urbanisme. Mais à l’évidence, la volonté de mettre en coupe réglée les élus locaux est manifeste.