16 juin 2009

La politique autrement : du système propriétaire au logiciel libre


La tribune de Dany Cohn-Bendit dans le Monde daté du 16 juin reflète exactement ce que je pense du bilan de cette élection et des perspectives qu’elle ouvre à l’écologie politique. Pourquoi se lancer dans un commentaire, alors ? vous direz vous… Pour tenter de mettre mes mots derrière cette réflexion, et d’y ajouter la vision du militant et de l’élu local que je suis, simplement et modestement.

Que dit Dany ? Que l’attitude traditionnelle des partis politiques est de considérer les voix et les électeurs comme leur appartenant, et que cette conception, dépassée, traduit une vision du rôle du parti politique dans la société qui n’est plus tenable. Les manœuvres d’appareil, sur la base de calculs d’apothicaires, tout comme la fabrication d’une pensée descendante, transmise par des cadres éclairés à leurs militants, chargés de diffuser la bonne parole dans l’électorat, ne sont plus de mise.

Une organisation pour une vision différente

L’écologie politique, telle qu’elle est en train de s’organiser avec Europe Ecologie, participe d’une logique totalement contraire, qui est d’ailleurs subtilement en phase avec la vision qu’ont les écologistes de la société. Europe Ecologie, c’est d’abord un réseau, certes appuyé sur les Verts, mais dans lequel ces derniers ont accepté de partager complètement les processus de décision et d’action. C’est un rassemblement autour d’idées faisant consensus, autour d’une perception commune de l’intérêt supérieur de la planète et des humains qu’elle accueille. Cela a permis de mettre de côté le fonctionnement d’appareil des Verts, différent mais qui n’a rien à envier à celui d’autres partis politiques.

Or ce réseau permet aux citoyens de s’identifier à une façon différente de parler et de faire de la politique. Dans un sens, le Bayrou des élections présidentielles, avait déjà trouvé une autre façon de le faire, en s’appuyant sur le dépassement d’un clivage gauche-droite autoreproductif et autojustifiant, reposant souvent sur des postures de principe, ce qui explique qu’au-delà des mots, la façon de gérer de la gauche ou de la droite pouvait se ressembler. Mais là où Bayrou nous servait un discours sur la forme des institutions, censé être pragmatique, mais ne disant rien sur le fond, Europe Ecologie a réussi à mettre du contenu : changer le système de production et de consommation, mettre de l’humain et de l’écologie dans l’économie, lutter contre les multinationales et leurs impacts effrayants en terme de corruption politique, de misère sociale et de dégradation environnementales, faire de l’Europe un espace de développement durable, etc.

De la mesure en toute chose

Ne nous enflammons pas ! Le « nous sommes en marche » qui conclue la tribune de Dany est, malgré sa rhétorique un brin révolutionnaire, à prendre comme l’expression d’une volonté, pas comme le signal adressé par notre leader à ses fidèles, au commencement de la grande aventure de la révolution écologiste après celle du Christ ou de Lénine dans son train blindé… L’élection européenne est particulière, par son mode de scrutin, par l’abstention importante qui la caractérise, par la distance entre l’institution européenne et le citoyen qui lui fait penser que s’agissant d’un lieu lointain, aux pouvoirs jugés moindres, il peut « se faire plaisir ».


Evidemment, des électeurs habituels du PS ont signifié qu’ils étaient prêts à voter autrement à gauche si la social-démocratie ne se remettait pas sérieusement en cause. Bien entendu, l’impact du film de Yann Artus-Bertrand est à prendre en compte (cela dit, quoi de plus normale que la prise de conscience de la crise écologique, depuis le temps qu’on alerte à ce sujet). Et oui, M. Delanoé, Dany Cohn-Bendit a une image au moins aussi positive que la votre, et peut faire se déplacer des électeurs sur son nom, comme vous l’avez fait l’année dernière. Tout ça est vrai.

Il n’empêche, ce succès – dont l’ampleur et le relais médiatique sont impressionnants depuis quelques jours – signifie au-delà de ces contingences certes importantes qu’il est peut-être enfin possible de faire passer un message en contrepoint de la bienpensance croissanciste, et de sa vision réductrice de la solution à nos problèmes. Et que ce message suppose un canal lui-même différent.

Pour un nouvelle forme de coalition

De fait, le score d’Europe Ecologie nous conforte dans notre stratégie d’autonomie. Parce que nous avons une analyse différente, parce que nous avons des propositions originales, parce que notre fonctionnement interne, et désormais externe, est autre, nous devons offrir une alternative aux électeurs. Parfois ils nous donnent tort (aux dernières municipales à Paris), parfois raison, mais nous n’avons pas à mettre de côté nos spécificités pour gagner quelques places de plus dans les assemblées élues. Et après tout, vox populi, vox dei : il faut respecter leurs choix, sans tomber dans les travers de la démocratie d'opinion tout en entendant que notre message ne passe pas toujours comme nous pensons qu'il passe.


Cela dit, comme l’indique Dany, autonomie n’est pas isolement. Il faut donc inventer une nouvelle forme de coalition avec les partis politiques qui sont d’accord pour gouverner avec nous sur les bases de nos propositions, tout en intégrant les leurs. Il faut aussi adapter notre posture aux circonstances, et aux modes de scrutin. Ne pas faire perdre la gauche quand elle est globalement menacée. Nos nouveaux électeurs ne nous le pardonneraient sans doute pas. La voie n’est donc pas toujours très large, pour faire entendre la nécessité de l’autonomie au premier tour et l’exigence du rassemblement au second. Elle doit être d’ores et déjà expliquée pour les élections régionales, dans quelques mois. L’enjeu, c’est bien le projet d’une éco-région, qui suppose de satisfaire deux conditions nécessaires : un score écolo élevé au premier tour, et une victoire de la gauche et des écologistes au second.

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